le plaisir du rouge: l’usage de la couleur dans le design italien des années ‘60

article by giuditta vettese
ecole des hautes études en sciences sociales (paris), 2019






Qu’est-ce que c’est que de s’asseoir sur du rouge ? Ou d’allumer une lampe colorée ? Et de manger dans une assiette entièrement colorée ? Pourquoi certains préfèrent un smartphone bleu plutôt que « neutre » ? Pourquoi beaucoup d’entre nous aiment remplir de couleurs leurs maisons, et pourquoi la couleur fait-elle partie du paysage architectonique et urbain où nous vivons ? Dans l’objet quotidien la couleur tend à glisser sous les trames de l’inconscient - de l’inconscient esthétique on pourrait dire selon une formule de Walter Benjamin - et son rôle pourtant assez capital à souvent passer inobservé. On ne peut pas non plus imaginer un monde « sans couleur », car même le blanc, que l’on tend à associer à l’absence de couleur, n’est pas neutre mais au contraire déjà une manière des choses de se manifester. La matière, du moment où elle est visible, nous apparait par sa consistance visuelle, par sa forme qui est indissolublement aussi couleur, profondeur visuelle, contour, contraste, texture que l’œil discerne[1] : on pourrait par exemple imaginer, non sans angoisse je crois, un monde monochrome, mettons tout blanc ou tout rouge. Combien serait-il difficile de s’y orienter dans l’espace ? Et quel effet sortirait-il sur notre cerveau, sur notre humeur ?
L’âge de la révolution industrielle, par l’invention de nouvelles matières synthétiques et des techniques de production industrielle des pigments, a élargie la couleur au-delà du seul champ de la nature, en la faisant entrer de manière massive dans nos vies où les murs et les meubles des espaces où nous vivons, travaillons, transitons sont colorés ; ainsi que les objets qui nous accompagnent ; les vêtements avec lesquels l’on choisit de s’habiller ; les livres et les images qui nous entourent. Et alors, demandons-nous par exemple qu’est-ce qui fait l’intérêt d’avoir une chaise rouge ? En quoi ce rouge modifie-t-il l’être-là de la chaise ? Le design italien dans son époque d’or des années ’60 et ’70, qui l’a rendu fameux dans le monde entier, a contribué à révolutionner les manières d’habiter l’espace de notre époque. L’un de ses mérites est aussi, par la double recherche technologique et stylistique-figurative qui l’a caractérisé, celui d’avoir mis en acte pour la première fois une vaste expérimentation autour de l’usage de la couleur dans le design – ceci « de la cuillère » (plutôt de l’assiette)[2] en plastique colorée « à la ville »[3] de Milan dont les stations de métro, projetée par Bob Norda, Franco Albini et Franca Helg, ont été teintes de rouge. Et c’est cette particulière teinte de rouge vif et franc que l’on retrouve déclinée en différentes nuances et dans le métro milanais (1964) ; et dans la machine à écrire Valentine (1969) projetée par Ettore Sottsass et P. A. King pour Olivetti ou dans le classique des radio portables TS502 (1962) Brionvega projetée par Marco Zanuso et Richard Sapper ; ainsi que dans un vaste nombre de produits en plastique proposés par Kartell, à partir de la chaise universelle de Joe Colombo (1965) ; tout comme dans un nombre d’autres meubles italiens de cette époque ; jusque dans le rouge Ferrari ou dans le rouge Coca-Cola et Marlboro. Le rouge revient beaucoup et, peut-être, vient en premier : certains, comme on le verra, posent l’hypothèse d’un primat anthropologique du rouge qui parait être reporté à niveau transculturel et transhistorique. On pourra donc poser l’hypothèse du rouge comme de couleur emblématique – en tant qu’emblème de la couleur en soi et puis de son usage dans le design - dans l’enquête qu’on va mener par la suite à propos de l’usage de la couleur dans le design italien des années ’60 et ’70.

« The emergence of Italy during the last decade as the dominant force in consumer-product design has influenced the work of every other European country and is now having its effect in the United States. The outcome of this burst of vitality among Italian designers is not simply a series of stylistic variations of product design. Of even greater significance is a growing awareness of design as an activity whereby man creates artifacts to mediate between his hopes and aspirations, and the pressures and restrictions imposed upon him by nature and the manmade environment that his culture has created. Italy has become a micromodel in which a wide range of the possibilities, limitations, and critical issues of contemporary design are brought into sharp focus. Many of the concerns of contemporary designers throughout the world are fairly represented by the diverse and frequently opposite approaches being developed in Italy. »
(Emilio Ambasz, “Introduction” dans Italy: the new domestic landscape. Achievements and problems of Italian design, catalogue de l’exhibition au Moma de NY, éd. New York Graphic Society, Greenwich, 1972, p. 19)

Ainsi Emilio Ambasz, curateur de l’importante exhibition dédiée au design italien qui a eu lieu en 1972 au MoMa de New York, présente la centralité du cas italien dans l’histoire du design du deuxième après-guerre. Il est clair de ces mots comment au-delà d’une inventivité stylistique et typologique qui a sans doute caractérisé le design italien de ces années, également significative a été une conscience croissante – « a growing awareness » - de la portée éthique, esthétique et politique du design dans la construction des manières de vivre et de penser par le façonnage esthétique qu’il opère de l’environnement, privé comme public. Le design est un art social, pragmatique, vécue et partagé, une culture civile selon une définition de Andrea Branzi[4], qui travaille donc toujours des valeurs conceptuelles, culturelles, sociales, à travers son œuvre esthétique. C’est en fait dans ces années d’or du design italien, composées d’un panorama fragmenté de personnalités créatives singulières et différentes, de tendances plurielles[5], qu’on assiste à une redéfinition du mobilier traditionnel et à la naissance d’une nouvelle idée d’espace votée à la plurifonctionnalité, à la flexibilité des usages selon les exigences personnelles, à l’adaptabilité des éléments. Il faut aussi tenir compte du fait que le design naissant dans ces années est un direct descendant de la recherche formelle de l’architecture rationaliste présente surtout au nord de l’Italie, la majeure partie des maquettistes étant des architectes reconvertis au design y apportant donc une vision large, parfois teinte d’utopisme, et une sensibilité particulière pour ce qui fait l’environnement[6]. Un exemple emblématique de cette modification radicale de la perception de l’espace est la section environments de l’exhibition ci-dessus citée[7], et en particulier la Total furnishing unit de Joe Colombo. Projet de mobilier total, ça atteste d’une nouvelle manière de l’habiter, un usage de l’environnement libre des contraintes de la traditionnelle hiérarchie des espaces domestiques qui sont plutôt entendus comme des espaces unitaires et dynamiques, utilisables selon les exigences de chacun où des macro pièces de design, souvent roulantes, circulent selon la liberté de l’usager. On y retrouve aussi deux autres éléments capitaux du design de ces années, à savoir l’emploi des nouveaux matériels synthétiques (lavables, résistantes, pratiques), et un usage plastique de la couleur qui confère au tout cet aspect vivace, ludique, qui marque les sens, associé à des formes simples et d’empreinte rationaliste.

Le théoricien Matteo Vercelloni retrace plusieurs facteurs concomitants à la base de ce succès inédit de l’industrie italienne du design dans le monde entier. Suivons-le pour nous faire d’abord une idée générale du contexte où fleurit ce bouquet coloré d’idées et de choses. Dans la jeune Italie du deuxième après-guerre fragmentée géographiquement, le boom du développement industriel rencontre une manœuvre de cout très bas à cause des vagues d’émigration du sud au nord du pays ; la présence du parti ouvertement capitaliste de la democrazia cristiana à partir de 1948 qui promeut le développement industriel par des mesures d’encouragement publiques et des prêts à taux bonifié, contribue à une générale augmentation du pouvoir d’achat et à la libéralisation des échanges internationaux, à la motorisation de masse, à la diffusion massive de la télévision et des électrodomestiques : cela donne une augmentation sans précédents des niveaux de développement industriel, des exportations des produits italiens dans le monde et des revenus nationales – en 1962 le niveau de développement de la production par habitant était pair au 5,6 %, inferieur seulement à celui allemand en Europe[8]. A ces données économiques prometteuses se croisent les réalités des petites entreprises italiennes, à cheval entre dimension industrielle et know how artisanal, et de l’autre coté l’épaisseur de la rencontre fertile, condensée dans la figure émergente du art director et du consultant créatif, entre architectes et entrepreneurs[9] : la liberté d’expérimentation et d’innovation, la créativité et la richesse de ces années donnent lieu à ce surplus esthétique-formel[10] qui a fait la fortune internationale du design italien. Le thème central du Bauhaus de la forme – de la forme à donner à la fonction – est fortement reprise en compte dans ce contexte. La question est alors celle d’un enrichissement esthétique de l’objet[11] qui passe par une simplification rationnelle de sa forme adaptée à la production industrielle et à l’usage, d’une attention particulière pour une certaine forme d’harmonie esthétique en tant qu’assumée dans sa valeur social et éthique : au fond, le design italien à tendance rationaliste de ces années est porteur du programme hérité du Bauhaus de démocratisation de la beauté, rendue accessible à tous par le design industriel et par l’architecture. Ainsi dans le Manifesto per il disegno industriale du 1952 Alberto Rosselli écrit

« È il momento del disegno industriale, per il gusto, per l’estetica della produzione ; lo è per la cultura e per la tecnica ; lo è per la civiltà e per il costume ; lo è per la casa, per l’edilizia, lo è sovratutto per la nostra Italia, la cui materia prima, la cui vocazione, è stata sempre (e meravigliosamente, e sempre per grazia divina) quella di – ci si perdoni l’espressione vecchio stile – creare il bello. » (Alberto Rosselli, Manifesto per il disegno industriale publié dans Domus, n°269, avril 1952).

Et effectivement, dans les années ’50, ’60 et ’70 l’Italie manifeste un renouvèlement esthétique qui s’étend du secteur des transports – où l’on assiste à une rénovation des internes des trains, des avions, des bateaux -, aux moyens de transport privés qui vantent des exemples incontournables tels que la Vespa ou la Fiat 600[12], aux électrodomestiques qui dans ces années là apparaissent dans les maisons occidentales : de la radio et la télévision à l’aspirateur et à la machine à coudre, jusqu’à la machine à café des bars, il n’y a quasiment pas de secteur où il ne se vérifie pas cette précieuse association entre créatifs et industries. Nous voyons donc bien de ces prémisses comment l’objet de design n’est pas relégué à la sphère du luxe ou de la contemplation mais, au contraire, est avant tout un objet quotidien, utilisable, quasiment toujours d’ailleurs en proximité et en interaction avec le corps de l’usager, un objet qu’on pourrait considérer même pop, dans le sens de populaire-urbain et connoté d’une certaine vitalité perceptive qui soit toutefois, en même temps, maniable.

C’est par exemple dans la chaise 4867, nommée aussi l’universelle, de Joe Colombo projetée pour Kartell, entreprise italienne d’énorme succès et première au monde à avoir produit des meubles en plastique, qu’on voit l’une des réalisations les plus de succès des enjeux énoncés. Il s’agit de la première chaise industrielle réalisée en polypropylène et moulée par injection, d’extraordinaire essentialité et maniabilité, elle est impliable, lavable, extensible, résistent, universelle car adaptée à tout usage (même à l’extérieur) et à tout usager - riche ou pauvre, la plastique étant pour son économicité un matériel à la vocation pas élitaire et, surtout sur le plan rhétorique, égalisant[13]. Voici comment dans un article sur L’Europeo de 1968 cette chaise vient saluée : « Colori smaglianti. Materie eccezionali che l’uomo ha modellato sostituendoli al legno della natura. Forme nuove e audaci, disegnate da famosi architetti, per rendere ‘diversi’ gli oggetti più comuni. […] Il fatto è che non vengono offerti come interi arredi. Ma vengono proposti come pezzi singoli, per qualsiasi utilizzo, nei più svariati colori, secondo la preferenza e gli accostamenti desiderati, di facile manutenzione, resistenti. Sono mobili e oggetti d’arredamento che non possono non piacere perché nella loro bellezza e praticità, sostengono un modo di vivere nuovo, semplice e razionale.»[14]. L’accent est donc posé d’un coté sur la simplicité et la rationalité de l’objet, de l’autre sur la liberté de choix et de composition du consommateur qui annonce un rapport presque ludique, voué à la personnalisation, à l’objet. La couleur est au centre de ce tournant, devenant comme le soutient Jean Baudrillard[15] aussi un symbole de la nouveauté – de la rupture avec les sobres modèles de l’habiter traditionnel – et se faisant porteuse des caractères identitaires et émotifs forts, par lesquels elle est encore aujourd’hui d’ailleurs un pilier des opérations de marketing. La couleur se situe ainsi ambigument dans l’entre-deux de l’identité de l’objet et de l’identité du consommateur, car si d’un côté elle confère un caractère visuel particulier et dénotatif à l’objet, de l’autre elle s’associe par le choix à la psychologie de l’individu. Il faut aussi dire que la nouveauté est ici un fait réel. Les matériaux synthétiques donnent en fait pour la première fois la possibilité, outre que d’assumer de formes plus continuelles et audaces, de colorer directement l’empâtement et non pas que de le teindre après : les choses ne sont plus simplement colorées mais faites de matière colorée. La nouveauté est réelle car ces couleurs ont une inédite consistance visuelle par rapport à celles de provenance naturelle d’avant l’époque industrielle : c’est la teinte unie qui s’affirme ici dans son homogénéité et dans son apparence affirmative, forte, compacte et précise, d’un seul coup. Comme l’affirme Riccardo Falcinelli dans Cromorama, la teinte unie est, avec les pigments synthétiques, la révolution du regard la plus importante du monde moderne par laquelle la couleur acquiert une dimension idéale, se faisant abstraction[16]. Elle devient un standard, une matrice – un tasseau Pantone - vouée à être copiée, répétée et employée infiniment dans une chaise comme dans la confection du shampooing. On parvient au paradoxe d’une singularité standardisée, la couleur gardant toujours – aux yeux humains au moins – un caractère idiosyncratique d’irréductible et immédiate sensorialité qui lui confère une phénoménalité singulière, enracinée dans l’expérience perceptive et subjective qu’on en fait.

La couleur est ainsi souvent mise en relation avec la sphère de l’émotion et des états d’âme – Johann Wolfgang von Goethe et Johannes Itten, mais aussi des personnalités comme Vasilij Kandinsky et Rudolf Steiner étant les maitres de cette approche là à niveau théorique -, parfois elle est associé à un certain infantilisme[17] (englobant par ce mot ce qui est inconscient, extralinguistique, non-Moi) et à l’expression pure de la pulsion, mise en liaison directe donc avec la corporéité dans sa résistance à la verbalisation. La couleur s’associe donc au plaisir aussi, à l’érotisme. Peut-être, comme le suggère J. Lichtenstein, c’est parce que celui qui découle de la couleur est « un piacere che supera la discorsività. Come la passione, il piacere dei colori elude la determinazione linguistica. »[18]. Il y aurait donc une sorte d’immédiateté irréductible au langage, dérivante plutôt du pur registre sensoriel où résiderait l’authentique plaisir de la couleur en ce que, comme le dit Walter Benjamin, c’est quelque chose qui « deve essere visto »[19]. Pour « comprendre » la couleur on ne peut que proprement en faire l’expérience, la voir. Et d’ailleurs, étant la couleur selon la science une propriété non pas inhérente aux objets mais plutôt à comment le cerveau élabore la lumière (au point que, par exemple, les chiens ou les pigeons paraissent voir les choses de façon très différente de la notre), son statut ontologique est toujours très vague : ne pouvant pas être attesté ni mesuré en dehors d’un acte perceptif du sujet, certains l’ont définie pour cela une entité relationnelle[20] en ce qu’elle n’advient qu’à travers les sens du percepteur. L’usage diffus de la couleur dans le design italien de ces années participe ainsi à une tendance généralisée à vouloir encourager une relation émotive avec le habitatet à vouloir créer un design qui, littéralement, fait plaisir à travers une relation qui est aussi, selon une terminologie de Donald A. Norman, de type viscérale[21]. Dans le cas en analyse on pourrait même parler d’un plaisir de type synesthétique en ce que on ne se limite pas que à voir la couleur, mais on s’y assoit dessus : c’est bien le plaisir de s’asseoir sur du rouge, de le toucher, de le manier. L’objet assume une fonctionnalité ambiguë et se transforme en un divertissement utile, s’offrant à l’acquirent comme un jeu, une véritable expérience qui est en premier lieu sensorielle– surtout sur le plan des couleurs et des matériaux. Les sens sont en fait fortement stimulés par des couleurs vivaces unis à des matériaux plastiques, aux formes rondes et à la texture visuelle mousseuse, à des consistances plutôt souples qui s’accouplent souvent à une position du corps enveloppant et indisciplinée : pensons par exemple au fauteuil pionnier Lady(1951) projeté par Marco Zanuso, en caoutchouc-mousse et originellement rouge; ou encore à l’absurde fauteuil gonflable, transparent et coloré Blow (1967)  de Jonathan De Pas, D. D’Urbino e P. Lomazzi; au Sacco (1968), littéralement un sac rempli de balles en polyester où l’on peut s’asseoir ou s’allonger dans au moins 20 positions différentes, de P. Gatti, C. Paolini e F. Teodoro ou au célèbre fauteuil-ventre de Gaetano Pesce Up 5-6 (1969), ou encore au canapé Superonda (1967) crée par Archizoom. Dans tous ces exemples, et dans beaucoup d’autres, on voit pour la première fois une intention assez explicite de poser les conditions pour qu’un attachement qu’on pourrait définirlibidineux à l’objet se mette en place.

« Il design non finisce con il prodotto messo in produzione dall’industria, ma inizia proprio da quel momento. Inizia quando l’oggetto entra nelle nostre case, nelle nostre strade, città, corpi e anime. Il design inizia quando diventa rappresentazione visiva, fisica e sensoriale della metafora esistenziale su cui poggiamo le nostre esistenze. » (Testimonianza di E. Sottsass in G. Bosoni, F.G. Confalonieri, Paesaggio del design italiano 1972-1988, Edizioni di Comunità, Milano 1988, Matteo Vercelloni, Breve storia del design italiano, œuvre citée, p. 143).

Ettore Sottsass, l’un des majeurs designers italiens de l’âge d’or, est l’auteur, avec P.A.King, de la célèbre machine à écrire portable qui parait un bonbon, Valentine, produite par l’également célèbre et visionnaire entreprise Olivetti[22]. L’on peut retenir que Sottsass poursuit dans ce projet encore à présent référentiel cette leçon fondamentale que Marcello Nizzoli avait initié justement au sein de Olivetti : celle de la coquille formelle[23] qui résout les exigences ergonomiques de l’électroménager. Le designer enveloppe la machine avec une carrosserie esthétiquement plaisante et non nécessairement en liaison avec le contenu technologique : radios et téléviseurs – et la TS502 portable (1962) ou le téléviseur Algol (1964) Brionvega de Zanuso et Sapper – mais aussi machines à coudre comme la Mirella (1956-57) de Nizzoli ou l’aspirateur Spalter (1960) des frères Castiglioni ; il n’y a pas d’objet qui ne soit digne d’avoir une belle peau. Comme l’affirme Sottsass lui-même dans la citation reportée, le design commence quand l’objet – électroménager, téléphone, table, chaise, lit, lampe, machine à écrire ou moderne ordinateur - rentre dans notre maison, où il est pensé pour être en harmonie avec la totalité de l’habitat, en dialogue esthétique avec le meubler – encore une fois, le total designs’inscrit dans une vision dynamique et esthétiquement prégnante des environnements. Valentine est aussi un exemple de comment la couleur est souvent à la fois une question stylistique, symbolique et morale. Conceptuellement elle anticipe en fait le succès du Imac translucide et bombé projeté par Jonathan Ive et lancé sur le marché par Apple en 1999[24] : comme le remarque Riccardo Falcinelli, Valentine se propose comme un objet sportif, stylé, alternatif et portable. C’est surtout par sa couleur brillante et protagoniste, dans ce plaisir du rouge qu’elle affirme puissamment, que Valentine et puis le Imac s’opposent à l’achromatique des machines classiques à bureau, soulignant donc leur être nouveaux, alternatifs, cool et adaptés à l’usage professionnel comme dans le temps libre[25] - participant à cette ambiguïté qui caractérise, on pourrait ajouter, le rapport entre temps libre et travail dans le capitalisme. La couleur devient ainsi une figure rhétorique : elle est rendue porteuse de certaines valeurs éthico-moraux. Pensons, aussi, à la division chromatique binaire de rose-bleu qui réplique la binarité de genres sexuelles qu’on nous apprend à respecter depuis la plus teindre âge, et puis prolongée dans tout un code vestimentaire chromatique et formelle dans l’âge adulte. Pensons à l’utilisation du blanc pour exprimer l’idée de propreté dans l’emballage de détersifs et savons, mais aussi pour incarner les valeurs d’incorruptibilité et de pureté morale à laquelle s’oppose dans le discours, justement, la couleur comme symbole de liberté de pensée et sexuelle (le drapeau de la paix et celui du mouvement de libération gay son multicolores). On ne peut pas nier l’efficacité d’une identité chromatique pour un objet ou un discours. Dans le cas de Valentine, on n’oublie pas ce rouge – qui a aussi à niveau typiquement commercial la fonction d’imprimer la marque dans la mémoire du consommateur. Valentine est rouge.

Elle est rouge, comme rouge sont un nombre considérable d’objets et de meubles de design de cette époque. Sans vouloir tout mettre dans le même panier, il me semble toutefois indéniable que si l’on fait un tour dans l’exposition du Museo del design italiano à la Triennale de Milan ou feuillète le catalogue de l’exhibition de 1972 au MoMa citée ci-dessus, ce rouge plastique et vif résulte prédominant. Je crois de pouvoir dire que ce rouge nous parle presque universellement, comme si c’était un peu l’emblème de la couleur en soi, ou une couleur première (outre que primaire). Certains parlent effectivement d’un primat anthropologique[26] de cette couleur : il parait qu’un nombre de termes de diverses langues pour dire rouge dérivent du sanscrit rudhira qui signifie « sang » - chose qui pourrait expliquer l’association presque universelle et instinctive du rouge à ce noyau existentiel tout à fait humain qui est passion, érotisme, émotion forte, amour, ou plus simplement vitalité. Ce qu’on appelle ‘rouge’ (car en soi, ce n’est qu’un mot) partage la même apparence visuelle-chromatique du sang – sang « bon » toutefois, à savoir le sang oxygéné qui est symptôme de bonne santé, de vitalité et de prouesse physique et non pas le sang copieux, plutôt marron, qui préannonce la mort ou le sang dit cyanotique qui fait perdre la teinte aux malades, les faibles et les personnes vieilles. Plus la couleur est forte, plus elle parle de vitalité, d’excitabilité, de circulation sanguine et de sexualité (car le rouge est aussi la couleur de la majeure partie des muqueuses et de génitaux). Vieillir c’est aussi blanchir. Sans compter que le rouge est (pre)historiquement le premier pigment, provenant de la Terre, à avoir été fait par l’homme. Nous pourrions ainsi oser définir le rouge comme l’emblème, par analogie organique, de la couleur dans son caractère vivace, dénotatif, différentiel, dans sa vocation à se détacher du fond.  En vertu du fait qu’il emblématise en quelque sorte la capacité à s’affirmer, à se différencier dans l’espace et dans les idées qui appartient à toute couleur, le rouge serait l’objet d’une certaine prédilection au moins dans le moment initial de l’emploie de la couleur dans le design. Dans le cadre de la révolution des rapports entre forme et fonction qui a eu lieu dans l’après-guerre, on espère avoir démontré comment la couleur joue un rôle assez fondamental dans la définition d’un rapport sensoriellement et émotivement très marqué à l’objet. Avec le matériel, la couleur est la majeure responsable d’une vitalité perceptive accentuée de l’objet de design du deuxième après-guerre. Elle est une question charnelle, mais tout également symbolique. Elle est un entre-deux, une instance dialectique, relationnelle, qui se partage entre idée et matière, identité de l’objet et du sujet.



[1] Maurice Merleau-Ponty, dans son l’œil et l’esprit et puis dans le visible et l’invisible, a formulé de réflexions très riches à propos des rapports entre matière, chair ou objet et vision. Cfr. Maurice Merleau-Ponty, L’œil et l’esprit (1960), éd. Gallimard-Folio, Paris 2007 et Le visible et l’invisible (1960), éd. Gallimard, Paris 2005.

[2] J’approxime un peu sur ce point: plutôt que les couverts, les ustensiles ménagers et de cuisine qui ont été produit à cette époque sont nombreux. Kartell déjà en 1957 produit le Alzaimmondizie con manico (1957) et puis le battipanni (1960), et toute une série de poubelles colorées. Puis voir les sets d’assiettes en plastique colorée projeté par Massimo Vignelli pour Heller (1964) ou par Enzo Mari pour Danese (1969).

[3] C’est une formule célèbre du designer italien Ernesto Nathan Rogers, selon qui le rôle du designer s’étend « from spoon to the city », de la cuillère à la ville.

[4] « […] il design non è una funzione soltanto industriale, impegnata a risolvere problemi produttivi, ma un’attività strategica, una cultura civile, immersa nel cambiamento della storia, e quindi in grado di fornire alla grande industria, attraverso il prodotto, una identità alla società. » – Andrea Branzi dans Il Design Italiano 1964-1990, catalogo della mostra Triennale di Milano febbraio-ottobre 1966, dans Matteo Vercelloni, Breve storia del design italiano (2008), éd. Carrocci, Roma 2019, p. 144.

[5] Nous n’allons pas rentrer ici dans le détail historiographique de ces différentes phases mais, très approximativement, le design italien peut se subdiviser en trois courants. Au long des années ‘60 un courant à tendance rationaliste a côtoyé ce qui a été défini par Germano Celant le radical design. Représenté par des collectifs tels que Archizoom et Superstudio outre que par des personnalités singulières, le radical design se caractérise par une série de projets d’avant-garde, oscillant entre “pop-design” et “anti-design”, voués à la contestation globale des langages formels et de l’impératif fonctionnaliste à travers le dialogue entre projet et sensibilité artistique – à quoi correspondent donc des objets à la fort figuration et contenu émotionnel. Une troisième phase du design italien, débutant dans les années ’70 avec des collectifs comme Alchymia et Memphis, nommée par certains comme celle du design post-moderne, en a été en quelque sorte la continuation. Cfr. Ibid., pp. 121-161.

[6] Cfr. Ibid.

[7] L’exhibition présente en fait deux sections principales: une dédiée aux objets, qui par leur variété typologique s’étend des radios Brionvega aux canapés, et une deuxième section expérimentale où un nombre de fameux designers italiens (Gae Aulenti, Ettore Sottsass, Joe Colombo, Alberto Rosselli, Marco Zanuso, Richard Sapper, Mario Bellini) et de jeunes émergents furent invités à réaliser des projets environnementales en reflétant sur l’espace domestique. C’est dans ce cadre qu’il se définissent des espaces expérimentales au carrefour entre design, art et architecture qui sont toutefois des importantes occasions de refléter sur les majeurs changements esthétique-sociaux en acte.

[8] Cfr. Matteo Vercelloni, Breve storia del design italiano, œuvre citée, p. 105.

[9] En particulier c’est Milan, capitale industrielle et foyer d’environnements créatifs et intellectuels, le cœur de cette rencontre. « L’italian design è nato qui per il fatto che, unico evento nel mondo, in Italia c’è stato un incontro negli anni sessanta tra i produttori e noi. » – affirme Vico Magistretti. Cfr. « Capitale del design, capitale della moda » dans John Foot, Milano dopo il miracolo(2001), trad. it. Di Eloisa Squirru, ed. Feltrinelli, Milano 2003, pp. 128-144.

[10] Matteo Vercelloni, Breve storia del design italiano, œuvre citée, p. 89.

[11] Cfr. Ibid., p. 111.

[12] De remarquable importance est aussi l’ouverture du centre style pour la carrosserie chez Fiat, en 1958.

[13] Sur les potentialités sociales et esthétiques de la plastique voire l’essai de G. Gramigna intitulé Plastica per la massa o per l’élite?, où il affirme : « La plastica è materiale non per ricchi o per poveri, non per la massa o per l’elite. Ha delle precise caratteristiche tecniche che la rendono possibile per fornire oggetti che attraverso il suo impiego acquistano forme tali da determinare una nuova estetica. » G. Gramigna, « Plastica per la massa o per l’elite? », in “Ottagono”, n. 13, 1969. Cfr. Aussi l’essai « Plastica » dans Renato de Fusco, Filosofia del design, éd. Einaudi, Torino 2012.

[14] « Pezzi d’arredamento di grande decoro che anticipano un modo di vivere semplice e razionale » – L’Europeo, Milano, 24 settembre 1968, article conservé dans l’exposition permanente du musée du design italien de la Triennale de Milan.

[15] Cueillant la forte association entre couleur et moralité, Baudrillard soutient que dans le cadre de la déstructuration de l’habitat bourgeois dans la plurifonctionnalité libre de l’espace moderne, la couleur (avec le matériel) est un signe puissant de révolution. Trop spectaculaire, la couleur qui est vécue comme une menace pour l’intériorité en milieu bourgeois est alors libérée : elle n’est plus reléguée à des petits fragments de meubler mais protagoniste. Il persiste toutefois une tendance constante à la condamnation de la couleur qui s’exprime dans le refuge dans la teinte pastel ou dans le régime du blanc-noir-gris. « Fortement culpabilisée, la couleur ne fêtera sa libération que très tard : les automobiles et les machines à écrire mettront des générations à cesser d’être noires, les réfrigérateurs et les lavabos plus longtemps encore à cesser d’être blancs. C’est la peinture qui libérera le couleur, mais il faudra longtemps pour que l’effet en soit sensible dans le quotidien : fauteuils rouge vif, divans bleu ciel, tables noires, cuisines polychromes, livings en deux ou trois tons, parois contrastées, façades bleues ou roses, sans parler des sous-vêtements mauves et noirs : cette libération apparait bien liée à la rupture d’un ordre global. Elle est d’ailleurs contemporaine de la libération de l’objet fonctionnel (apparition de matières de synthèse : polymorphes, et d’objets non traditionnels : polyfonctionnels). Mais elle ne va pas sans problème : parce que la couleur s’affiche comme telle, elle est vite perçue comme agressive : les modèles la répudient et reviennent volontiers à l’intériorité des teintes discrètes, dans le vêtement et l’ameublement. Il y a comme une obscénité de la couleur que la modernité, après l’avoir exaltée au même titre que l’éclatement des formes, semble appréhender au même titre que la fonctionnalité pure. » - Jean Baudrillard, Le système des objets, éd. Gallimard, Paris 1968, p. 44.

[16] Cfr. Riccardo Falcinelli, Cromorama. Come il colore ha cambiato il nostro sguardo, éd. Einaudi, Torino 2017, pp. 17-41.

[17] Soulignant comment la couleur est aussi toujours prise dans un réseau complexe d’usages sociaux, d’habitudes et d’idiosyncrasies, Riccardo Falcinelli relativise le caractère inné de l’association entre couleur et inconscient, donc aussi l’attribution d’un caractère enfantin à celle-ci. Il soutient en fait que l’opposition moralisée entre couleur et achromatisme est à retracer dans les traces de la culture protestante du début du ‘500 qui a consolidé l’impression diffuse que la couleur est baroque, incultivée et immodérée en opposition à la mesure et rectitude de l’achromatique. C’est comme impératif éthique – celui de s’habiller en noir comme symbole de sobriété et mesure morale en opposition à la vivacité colorée catholique – que l’achromatique s’affirme. Ce mécanisme est renforcé par l’invention du livre typographique de Gutenberg qui, par nécessités techniques et économiques, est noir et blanc : c’est à partir de ce point historique que selon l’auteur la couleur est associée à tout ce qui est incultivé ou enfantin. Cfr. Ibid., pp. 299-303. 

[18] Da J. Lichtenstein, The eloquence of colours: rhetoric and painting in french classical age, dans David Batchelor, Cromofobia. Storia della paura del colore, trad. it. de Michele Sampaolo, éd. Mondadori, Milano 2001, p. 101.

[19] De aphorismes sur le thème ‘phantasie et couleur’, dans David Scott Kasten, Stephen Farthing, Sul colore (2018), trad. it. par Luca Bianco, éd. Einaudi, Torino 2018, p. 37.

[20] Ibid., p. 35.

[21] Dans son livre sur le design émotionnel, le professeur Donald A. Norman distingue trois niveaux du rapport de l’usager avec l’objet : il y aurait selon lui un premier niveaux dit viscérale, lié à l’apparence de l’objet et où « dominano le caratteristiche fisiche – aspetto, sensazioni, suono ». Pour etre efficace, ce niveau « richiede la capacità dell’artista grafico e visuale e quelle del progettista industriale. Contano l’aspetto e la forma. Contano la sensazione fisica e la struttura dei materiali. Conta il peso. Il design viscerale si basa completamente sull’impatto emozionale immediato. Deve offrire una buona sensazione, avere un aspetto gradevole. La sensualità e la sessualitò svolgono una propria funzione. ». Le niveaux viscérale est ce qui, face à un objet, doit emmener l’individu à avoir comme première réaction un désir, un « je le veux ». Il y a ensuite le niveaux comportementale, regardant entièrement l’utilisation, et donc l’usabilité de l’objet, sa fonctionnalité, sa prestation. En dernier, il y a le niveau réflexif, tournant plutôt autour de l’image de soi à laquelle l’objet renvoie, donc à son contenu idéologique, représentatif, culturel, et à la satisfaction psychologique qu’il peut donner. Cfr Donald A. Norman, Emotional design, trad. it. par Bernardo Parrella, éd. Apogeo, Milano 2004, pp. 61-97. L’auteur ne craint pas d’utiliser les termes de séduction, de liaison émotive avec l’objet et de plaisir (divisé en physio-plaisir, socio-plaisir, psycho-plaisir et idéo-plaisir), en tant qu’éléments essentiels du rapport au design : « Gli oggetti attraenti funzionano meglio – la loro gradevolezza produce emozioni positive, rende i processi mentali più creativi, più tolleranti in caso di difficoltà marginali. » - Ibid., pp. 57-58.

[22] Fondée par Adriano Olivetti, ce nom passe à l’histoire comme un exemple brillant de vision d’entreprise audace où la boite se transforme en laboratoire expérimental enrichi par la vision humaniste des intellectuels et des créatifs. Olivetti devient en fait une des entreprises les plus appréciée au monde pour la capacité de conjuguer leadership technologique, principes éthiques, droits et bienêtre des travailleurs et de leurs familles, développement d’activités innovatrices et inédites dans le secteur de la culture, du design, de l’architecture, de la communication d’entreprise, de la publicité, de l’audiovisuel et de l’édition. Malgré la création d’un laboratoire de recherches électroniques, l’entreprise ne survit pas au défi posé par le passage de la mécanique à l’électronique. Cfr. “Olivetti: tradizione meccanica e innovazione tecnologica” dans Matteo Vercelloni, Breve storia del design italiano, œuvre citée, pp. 113-119.

[23] Je reprends ici une définition de Matteo Vercelloni : il parle en fait de « guscio formale » ou de « soluzione estetica dell’involucro ». Cfr. Ibid, p. 101.

[24] Il faut sans doute souligner que Olivetti produisit le premier ordinateur portable, le P101 (1966), fruit du travail de l’équipe de Giorgio Perotto, Giovanni de Sandre, Gastone Garziera, Franco Bretti et Mario Bellini; qui pourtant reste une révolution silencieuse dans l’histoire, n’ayant pas connu le succès qui lui aurait du être attribué.

[25] Riccardo Falcinelli, Cromorama. Come il colore ha cambiato il nostro sguardo, œuvre citée, pp. 254-259.

[26] Ibid., p. 388.

Bibliographie

Italy: the new domestic landscape. Achievements and problems of Italian design, catalogue de l’exhibition au Moma de NY, éd. New York Graphic Society, Greenwich, 1972

« Pezzi d’arredamento di grande decoro che anticipano un modo di vivere semplice e razionale » – L’Europeo, Milano, 24 settembre 1968

David Batchelor, Cromofobia. Storia della paura del colore, trad. it. de Michele Sampaolo, éd. Mondadori, Milano 2001

Jean Baudrillard, Le système des objets, éd. Gallimard, Paris 1968

Renato de Fusco, Filosofia del design, éd. Einaudi, Torino 2012

Riccardo Falcinelli, Cromorama. Come il colore ha cambiato il nostro sguardo, éd. Einaudi, Torino 2017

John Foot, Milano dopo il miracolo(2001), trad. it. Di Eloisa Squirru, ed. Feltrinelli, Milano 2003

G. Gramigna, « Plastica per la massa o per l’elite? », in “Ottagono”, n. 13, 1969

David Scott Kasten, Stephen Farthing, Sul colore (2018), trad. it. par Luca Bianco, éd. Einaudi, Torino 2018

Donald A. Norman, Emotional design, trad. it. par Bernardo Parrella, éd. Apogeo, Milano 2004

Alberto Rosselli, Manifesto per il disegno industriale publié dans Domus, n°269, avril 1952

Matteo Vercelloni, Breve storia del design italiano (2008), éd. Carrocci, Roma 2019