fetish fashion : corps, vêtement, identité

article by giuditta vettese 
ecole des hautes études en sciences sociales (paris), 2019 




Dans la vidéo de Human Nature de 1994 Madonna, entourée de danseurs et danseuses,  performe une danse provocante pleine d’allusions à une sexualité libre et fantaisiste. Tous sont habillés en noir, arborant du cuir et du latex en adhérence du corps, des masques, des gants, des bottes, des corsets, de la lingerie, des fouets, des cordes et même un petit chien travesti. Elle est recouverte d’une second skin wet look noire et irrévérencieuse comme toujours elle récite son mantra –Express yourself, don’t respress yourself -, puis :

You wouldn’t let me say the words I longed to say
You didn’t want to see life through my eyes
(Express yourself, don't repress yourself)
You tried to shove me back inside your narrow room
And silence me with bitterness and lies
(Express yourself, don't repress yourself)
Did I say something wrong?
Oops, I didn't know I couldn't talk about sex
(I musta been crazy)
Did I stay too long?
Oops, I didn't know I couldn't speak my mind
(What was I thinking)

And I'm not sorry (I'm not apologizing)
It's human nature (Would it sound better if I were a man?)
And I'm not sorry (You're the one with the problem)
I'm not your bitch don't hang your shit on me (Why don't you just deal with it)
You punished me for telling you my fantasies
I'm breakin' all the rules I didn't make
(Express yourself, don't repress yourself)





 
Ca se termine avec une phrase franche : absolutely no regrets. Symbole de liberté, de courage et d’indépendance féminine dans ce contexte, l’on assiste à la mise en scène d’une esthétique explicitement fetish – relevant, comme on le verra par la suite, des habitudes vestimentaires et des pratiques sexuelles qui sont classifiée en médecine comme des pathologies du comportement sexuel. D’ailleurs, Madonna avait déjà bien revendiqué cette liberté d’expression deux ans plus tôt dans la vidéo de la chanson Erotica (1992) et dans le contesté livre Sex (1992), où elle est photographiée dans des hardies aventures sensuelles par Steven Meisel sous la direction artistique de Fabien Baron. Presque toutes les dives du pop international contemporain ont suivi l’exemple de Madonna : nous avons Britney Spears avec son latex rouge dans Oops !...I did it again (2000) ; Lady Gaga (peut-être l’icône la plus fetish du monde du spectacle contemporain) avec ses talons vertigineux, ses corsets, ses costumes, ses looks métalliques et absurdes dans un bon nombre de ses apparitions mais surtout dans Bad Romance (2009) et Paparazzi (2009) ; Rihanna fait du S&M une chanson à soi (2010) ; Beyoncé qui, avec un look queer, masculin et féminin ensemble, se promène avec un air de puissance dans des scènes « perverses » dans Haunted (2013).

Depuis les conquêtes des années ’60, le sexe est affiché (et accepté, l’on suppose) de manière toujours plus explicite dans la culture contemporaine, de la publicité au spectacle, de l’éthique à la mode. Selon Valerie Steele, historienne de la mode et directrice du musée du Fashion Institute of Technology de NY, le fétichisme a été une sorte de manifeste esthétique des sous-cultures au long des années ’70 et ‘80, pour être définitivement légitimé dans la mode à partir des années ’90 –évènement que la collection F/W de 1992 de Versace intitulée Miss S&M bien cristallise. Dans les années ’90 le fétichisme rentre désormais dans le mainstream, ce n’est plus une transgression ou un détail regardé avec suspect mais au contraire un code esthétique parmi les plus courants, à ce point que « tutta la moda è feticismo »[1] et que kinky - mot anglais pour indiquer ce qui appartient au registre du pervers et du sexuellement « bizarre » - et sexy sont souvent équivalents[2]. Cette thèse, formulée aux années ’90, est encore actuelle : talons vertigineux avec plateaux, cuir, latex, pvc, silhouettes second skin, corsets et lingerie utilisée comme outwear, harnesses, cuissards, fourrure, colliers, chokers – tous éléments qui manifestent une esthétique historiquement liée au monde de la fantasie et de l’extravagance ou agressivité sexuelle – sont à l’ordre du jour, dans la haute couture comme dans les grands magasins. Le psychanalyste John Carl Flügel a souligné le rapport entre mode et érotisme, rapport culturellement et cycliquement variable selon les aires géographiques et les aires du corps qui sont à la fois cachées ou exposée mais qui relève de la motivation primaire à la base de l’habit, qui est non pas de protéger mais plutôt de stimuler l’attraction tout en accentuant la différence sexuelle (et ainsi en conjurant l’homosexualité)[3]. Le symbolisme sexuel dont l’habit est imbibé se redouble en symbolisme culturel de pouvoir ou de vulnérabilité, de richesse ou de pauvreté, d’autorité ou de soumission : dans le vêtement corps et identité (de classe, de genre et identité personnelle) se mêlent en leur confluence problématique. La sexualité humaine ne se limite pas qu’à l’acte génitale reproductif, elle est au contraire polymorphe et distribuée, et entrainant le plaisir, le désir, le sentiment, elle se soude à l’imaginaire, à la fantaisie, au langage, au symbole : elle se fait culturellement conditionnée. Vivons-nous alors dans une époque de perversion collective, ou est-ce plutôt une forme majeure d’honnêteté à laquelle l’on assiste par le démantèlement des tabous accumulés et par l’admission latente que la perversion est beaucoup plus « normale » que l’on voudrait admettre ? Y-a-t-il une limite dans l’externalisation de la sexualité, où est la borne entre progrès et régression ? Et cette liberté est-elle une forme d’empowerement féminin ou une énième forme d’objectivation du corps de la femme réalisée par une société machiste ? Par l’analyse de trois éléments vestimentaires fondamentales du fetish fashion – les chaussures à talons, le corset et le costume second skin – nous allons chercher de développer ces questions.

Le fétichisme, comme tout, a son histoire. Il s’agit effectivement d’un phénomène complexe qui a été formulé conceptuellement dans au moins quatre secteurs disciplinaires : en psychanalyse, en anthropologie, au sein du marxisme et en littérature. Selon la théorie psychanalytique, le fétiche est un point de fixation du désir sexuel relevant du mécanisme commun de sublimation de la pulsion et inscrit sur la surface du corps, condensé dans un objet (parfois très extravagant) ou fréquemment dans un vêtement. Ainsi l’on peut retenir que nous sommes tous un peu fétichistes, en ce que nous sommes orientés dans nos choix érotiques par des préférences individuelles qui catalysent notre désir. Le fétichisme devient pathologie suite à des vécus traumatiques et/ou à une éducation sexuelle restrictive, quand sa manipulation parvient à substituer le rapport sexuel ou quand sa présence devient une condition sine qua non de la jouissance – c’est-à-dire, quand il devient une obsession. A partir de la théorisation de Sigmund Freud, la psychanalyse reconduit le fétichisme à un détour psychique que l’enfant opère pour éviter la menace de castration qu’il rencontre dans la constatation que sa mère n’a pas de phallus : il a regardé sous sa jupe mais n’ayant trouvé qu’un perturbant[4] et plat vagin, sa pulsion scopique[5], pulsion à voir, replie sur ce qu’il y a de plus proche – le plus fréquemment l’étoffe, la jambe, la cheville, le pied. Le fétiche est ainsi un voile posé sur l’absence du pénis féminin, symbole de celui-ci et de son absence à la fois[6]. Le spectre de choix du fétiche est toutefois très varié, et parfois très bizarre, ainsi que des auteurs successifs à Freud tels que Chasseguet-Smirgel et Robert Stoller ont proposé d’entendre la menace de castration comme plus généralement une menace de vulnérabilité physique et émotive. Le fétiche devient ainsi plus largement un substitut de la présence de la mère : il est alors peau, sein, fesses, bouche, chaussure, rôle ou objet qui, selon les insondables et obscures logiques de la psyché humaine, est élu à un signifiant de la femme et à un moteur du désir. En premier lieu, une des caractéristique pour nous parmi les plus intéressantes du fétiche est son caractère visuel, que déjà Freud remarque en faisant du mécanisme de genèse du fétiche l’archétype du Schautrieb, la pulsion scopique. Il s’agit d’une prédisposition iconique qui résulte particulièrement évidente dans le cas du fétichisme des vêtements et explique la naissance d’une esthétique fétichiste. Le fétiche-vêtement, tape-à-l’œil, distingue le corps en se distinguant sur celui-ci visuellement, par contraste : la chaussette ou le collant qui soulignent la cheville et la jambe, la chaussure qui encadre le pied, le lacet qui enferme et souligne la peau, le corset qui dessine le sein ou le latex qui enveloppe la silhouette du corps en un unique coup d’œil. Le fétiche est ainsi en fort lien avec le désir et le plaisir de regarder. Il parait d’ailleurs que la sexualité masculine suit un modèle éminemment visuel aussi à niveau de conformation cérébrale, chose qui pourrait expliquer la prédominance des fantaisies visuelles, voyeuristes et fétichistes chez les hommes[7]. Mais au-delà des genres le fétiche est à considérer comme une dimension de transcendance du pur charnel du sexe opérée par l’imaginaire.

« Every fashion couples the living body to the inorganic world. Fashion claims the rights of the corpse in the living. Fetishism, based on the sex appeal of the inorganic, is its vital nerve »[8]. D’autre part le fétichisme participe d’une ambiguïté entre organique et inorganique, entre animé et inanimé, qu’à partir des formulations de Walter Benajamin sur le « sex-appeal de l’inorganique » est souvent indiqué être l’un des piliers du système de la mode[9]. Ceci rejoint aussi le concept de fétichisme de la marchandise de Marx : chaque item provenant du système de la mode est à la fois une marchandise, inscrite dans le système de production capitaliste, et peut être considéré un fétiche – disons en mesure légère et non pas en forme de pathologie clinique - en ce qu’il s’agit d’un objet inorganique, un vêtement, auquel des valeurs idéologiques et un pouvoir érotique qui ne lui appartiennent pas à l’origine sont attribués. Ainsi chaque fétiche est d’une certain façon un objet impropre, ambigu car chargé d’un pouvoir d’action mystérieux autant que ces agglomérats de terre, de matériel organique, de clous et de sang sacrificiel que les populations africaines adorent comme des choses-Dieux[10]. Le terme « fétiche » dérive en fait de fetiços, terme portugais étymologiquement renvoyant à l’idée de manufacture avec lequel les marchands portugais ont appelé ces objets bizarres qu’ils rencontraient dans les cultes des côtes d’Afrique. Et d’ailleurs, comme le remarque Flügel associant le vêtement à une espèce d’amulette, il n’est pas à exclure qu’une des motivations primaires à la base de l’ornement vestimentaire soit la fonction magico-utilitaire de protection des dangers de nature psychologique[11] tels que des esprits et des énergies négatives. Cette ambiguïté entre organique et inorganique trouve place dans le fétiche comme une translation de la vitalité et de la désidérabilité du corps à une vitalité inhérente au vêtement – n’est-il pas courant, d’ailleurs, de faire référence à la « vie des vêtements » ? - qui devient ainsi un signifiant du corps et en même temps il en élargie la signification à travers un langage formel toujours renouvelé. Le vêtement peut être conçu comme une prothèse sémiotique du corps, une métonymie de l’objet du désir qui a toutefois sa spécificité matérielle, sensorielle, ontologique. L’habit est un substitut culturel du corps qui en cache la nudité – sa réalité - au même temps qu’il en remarque et accroit esthétiquement la présence. Il est donc lié au corps, au point qu’il ne vit que sur lui, mais il en reste en écart, gardant son indépendance formelle.

Selon la critique de la mode Barbara Vinken, l’entier système de la mode depuis ce que Flügel a défini comme « la grande démission du male »[12] de 1789 est fondé sur la fétichisation du corps et du genre féminin à travers l’habit. Par l’abattement des divisions de classe la mode devient une distinction bipolarisé entre les genres, où le costume masculin vaut pour un unmarked gender[13] et pour un synonyme d’authenticité, de Sein, de l’être ; tandis que le genre féminin est confiné, par sa marked sensuality[14] des codes vestimentaires, au royaume du Schein, de l’apparence et de l’artificialité  :

« If my description of the modern depends upon the fetish, this is because in fashion the fetish arrives at its ancestral realm : the realm of the stuff of which dreams are made, the realm of accessories. The structure that determines the fetish – the oscillation between the animate and the inanimate – is uncreasingly staged in fashion. The artificial is naturalized, the natural becomes artificial. Already in its etymological sense of ‘making, producing, manufacturing’, the fetish is a product of art, associated with artificiality. The female body must then also count as such a product of art. […] Ideal femininity, [...], is determined by the sign of masculine, […]. This arrangement, which secures the principle of identity through the principle of opposition, functions at its core fetishistically : masculinity is complemented and brought to completion in relation to the difference of the sexes, or castration, which is threateningly inscribed within femininity, while castration is distorted and real sexual difference thereby extinguished. The women is ideally consumed in her relation to the masculine. » - Barbara Vinken, Fashion zeitgeist – trends and cycles in the fashion system, œuvre citée, p. 27. 


 
Dans la mode la femme est exposée et consommée comme l’objet du désir masculin : on lui impose de porter un masque. Mais prise dans son ensemble et dans la structure dialectique qui voit une hyperfétichisation vestimentaire du féminin opéré par contraste avec la simplicité masculine, la performativité de la mode ne fait en réalité qu’exposer l’être arbitraires des divisions qu’elle opère : « it does not, however, certify these as natural, but rather exposes them as artificial. »[15]. Ceci est d’encore plus vrai depuis que, à partir des années ’80 – quand le déclin de la haute couture à faveur du luxury prêt-à-porter et du street-style déclare le passage du fashion au post-fashion selon une définition de l’autrice – le fétiche de la féminité commence à circuler aussi dans la mode masculine (le punk, réinterprété surtout par Jean Paul Gaultier et Vivienne Westwood est au centre de cette manœuvre). Le post-fashion selon Vinken rend explicit ce qu’il avait été gardé caché, c’est-à-dire, l’être du cross-dressing, de la masquerade, du travestisme[16] qui est intrinsèque à toute mode, ou bien la unrepresentability of sexual difference[17]. Dans ce cadre l’adoption récente dans la mode féminine des caractères esthétiques si explicitement descendants de la perversion fétichiste pourrait être regardée comme à la fois une forme de réappropriation et de dénonciation. En même temps, l’on peut commencer à entrevoir que ce gout croissant pour le fetish fait émerger un phantasme complexe et « intersectionnel », celui de la femme phallique.

Parmi les objets les plus fréquemment investis de projections fétichistes il y a surement les chaussures, et les pieds. Selon Valerie Steele d’après les corsets les kinky boots des années ‘60 – les cuissards avec les talons très hauts – sont justement le premier cas d’influence fétichiste sur la culture et la mode de masse…Ce n’est pas un hasard si en 1966 Nancy Sinatra chantait « These boots are made for walking/And that’s just what they’ll do/One of these days these boots are gonna walk all over you ». Suivant la reconstruction historique que l’autrice fait dans Fetish: Fashion, sex and power, le fétichisme des vêtements apparait en Europe au cours du XVIIIème siècle, où l’on voit la naissance d’un «érotisme élaboré»[18] par la diffusion et l’affinement des gouts et des fantaisies sexuelles qui étaient jusqu’alors réservées à l’aristocratie, la naissance du libertinage sexuel et de  l’idée d’une identité sexuelle qui déborde le pur acte[19]: c’est ici que le sexe commence à être théâtralisé et décoré chez tout le monde. Au XIXème siècle le fétichisme reçoit une conceptualisation clinique. Si pendant la première moitié du siècle il ne constitue qu’une niche isolée (naissent les premiers clubs fétichistes dans les métropoles, les revues et la pornographie spécialisées commencent à circuler), à partir des années ’60 il commence à rentrer dans la culture de masse – le succès du personnage d’Emma Peel de la série The Avengers, interprétée par Diana Rigg, est peut-être le premier signe de massification du fétichisme selon l’autrice. Les années ’70 consolident sa diffusion notamment par l’emploi stylistique et subversif qu’en fait le mouvement punk, par les créations de Vivienne Westwood et la renommée de son magasin Sex à Londres (qu’elle transforme en 1974 en une boutique inspirée par le SM, le bondage et le fetish vendant des vêtements en gomme et cuire, des chaussures osées dans un décor de fouets, de chaines et de masques). Les années successifs voient une influence croissante de l’esthétique fetish sur la culture de masse – que le rock stars, les photographies de Helmut Newton et des personnages comme Madonna contribuent à fomenter – jusqu’à son explosion dans les années ’90, où le sexe devient une « arme de combat »[20].
Vivienne Westwood a sans doute été la pionnière du fetish fashion par sa vaste exploration d’un nombre de matériels tels que la gomme, le pvc, le cuir, le latex et des formes, du corset, au costume, aux chaussures. Les chaussures de 1974 en photo, encore à present en vente, ont l’allure d’une arme en version « décolleté ». Noires, lucides, cuirassées par des affiquets et des talons suffisamment hauts (même si elle a osé beaucoup plus en hauteur dans d’autres occasions), elles emprisonnent et montrent le pied par des bandes qui font une assez explicite référence à la pratique du bondage. Elles ne sont pas extrêmes comme les talons authentiquement fétichistes, elles sont adaptées au prêt-à-porter, mais elles sont un témoignage esthétique de leur affiliation. Effectivement la relation entre talons et fétichisme est peut-être l’héritage le plus consistent et diffus que la mode contemporaine a absorbé de celui-ci. Steele écrit en fait que « Molto tempo prima che la moda enfatizzasse i tacchi alti, lo fecero i feticisti e lo fecero con tacchi significativamente più alti del normale»[21]. Il parait que l’érotisme trouve un aimant particulièrement attractif dans les talons, outre que pour des raisons historiques qui en ont fait l’un des symboles les plus classiques de la ‘féminité’, pour trois raisons principales : le conditionnement corporel et posturale qu’ils imposent, l’ambivalence symbolique à laquelle ils se prêtent, le charme – constitué d’un mélange d’attraction et de répulsion – que le pied exerce. D’abord les talons peuvent être considérés la forme vestimentaire qui impose un des embodiment des plus invasifs car ils modifient drastiquement l’entièreté de la posture corporelle, en sous-entendant la possibilité des mutilations afin de complaire les désirs de l’autre. D’abord, ils provoquent un état généralisé de tension du corps, ils imposent une courbature particulière du dos, ils poussent les thorax et les seins en avant, ils maintiennent les jambes et les fesses en tension musculaire donnant une impression de majeure solidité et minceur. La marche à talons accentue en outre les caractéristiques qui sont culturellement associées à la féminité, à savoir la rondeur des flancs, que les talons font bousculer de manière visible, et la proéminence des seins.   Dans le fétichisme l’aspect constrictif des talons est poussé à l’extrême par des talons de plus de 20 cm qui imposent de garder le pied presque verticale et qui rendent la marche une forme de claire claudication, chose que Alexander McQueen reprend avec ses Armadillo. Le principe que Flügel a nommé celui d’extension du moi corporel, valable pour tout vêtement, est particulièrement évident dans le cas des chaussures à talons :

« […] l’abbigliamento, aggiungendo qualche cosa alle misure apparenti del corpo in qualche modo ci dà un accresciuto senso di potenza, la sensazione dell’estensione del nostro io corporeo : e, in effetti, ci fa occupare più spazio. […] quando portiamo un corpo estraneo in contatto con la superficie del nostro corpo […] la consapevolezza della nostra esistenza personale si prolunga nelle estremità e nella superficie di questo corpo estraneo, e di conseguenza nascono delle sensazioni o di estensione del proprio Io o di acquisizione di un tipo e di una quantità di energia estranea o di un grado inconsueto di vigore, di resistenza fisica, di sicurezza. » - John Carl Flügel, Psicologia dell’abbigliamento, œuvre citée, p. 46.

 
D’un côté, donc, les talons sont une forme de constriction, qui rappelle d’ailleurs la pratique de bondage des pieds dans la Chine ancienne. De l’autre, toutefois, ils sont associés à une idée de domination et d’agressivité de la femme, donc de pouvoir[22]. Ils augmentent la hauteur, donnant aussi une certaine imposition de la marche et de la présence car ils obligent à presser plus fort la plante du pied sur le sol à cause de la modification de distribution du poids, ils confèrent donc une aura d’intouchabilité et de révérence en même temps que de faiblesse et d’instabilité à qui les porte. Le jeu se joue dans l’ambiguïté. Dans les fantaisies fétichistes l’on entend des hommes être écrasés, étouffés, blessés ou même pénétrés par des femmes talonnées : le spectre de la « castration » est en action, accentué par la présence d’affiquets, de lacets, de pointes. Cette ambivalence est redoublée par une ambivalence symbolique-sexuelle qui voit la chaussure représenter un vagin où le pied est inséré, mais complétée par l’apparence phallique et extravertie du talon. L’obsession des talons parait se fonder sur le fait que le pied en soi, très souvent élu à fétiche, exerce une fascination particulière. Dans plusieurs contextes culturels il est objet d’horreur ou d’adoration, il est souvent décrit tout au moins comme « bizarre » par les gens « normaux ». Peut-être, c’est parce que il me semble que c’est bien la trace morphologique la plus évidente de notre animalité, sa contiguïté avec une patte animale et sa proximité avec la terre en font quelque chose de suspect, de non pas tout à fait humain. Ainsi le pied, cripto-fétiche, est domestiqué et humanisé, traité comme un ersatz du corps dans le design de chaussures qui à la fois le cachent ou en montrent un doigt, la fente entre les doigts, qui en dévoilent le cou dans une « décolleté » comme si c’était un sein, qui enferment la cheville par une chaine ou des lacets ou qui soulignent, comme dans les kinky boots, le parcours qui du pied emmène aux jambes, pour s’arrêter au confin entre cuisses et vagin. Si Flügel avait raison de soutenir que la première motivation à la base de la naissance des vêtements est la tendance exhibitionniste à la décoration (primaire, d’ailleurs, chez plusieurs animaux et chez l’enfant où elle est beaucoup antécédent la résurgence de la pudeur), ceci me parait bien évident dans le cas des chaussures où le decor et l’artificialité des formes se pousse jusqu’à une complète a-praticité. Une preuve, comme l’a bien soutenu Georg Simmel, que la mode resurgit d’exigences psychologiques et sociales plutôt que pratiques[23].  

Nous voyons que le fétichisme, où « il costume è parte di un elaborato dramma erotico »[24], exaspère l’interaction entre corps et vêtement par ses extrémismes physiques et esthétiques dont la mode prend inspiration en les réadaptant au grand public. Le corset est, avec les chaussures, l’item historiquement le plus fétichisé. Le corset, comme les chaussures, impose au corps une modification assez invasive et au même temps fixe, les soulignant dans une mesure à la limite de l’idéalisation, les points érotiques du corps qui sont la vie (les flancs, les fesses) et les seins. Le corset est peut-être la réalisation la plus parfaite de cet érotisme musculaire[25] lié à l’usage des vêtements, car il exerce une action de support et de compression du buste qui est selon les cas une source de plaisir et de torture. La pratique du tight-lacing, la réduction de la vie par graduel raccourcissement de la mesure du corset apparue à l’âge d’or du corset, l’époque Victorienne, reste une pratique fétichiste diffuse – jusqu’aux extrémismes des vies mesurant de 30 à 40 centimètres[26] et des complications médicales découlant de cet usage. En tous cas le corset interagit de façon remarquable avec les corps – peau, muscles et organes internes – pouvant donner lieu à un véritable plaisir musculaire relevant de la sensation d’être tenu, supporté, serré et redressé. Si au moyen-Age le corset était un outil de la pudeur, servant à aplatir et cacher le sein, il est décalé plus en bas pendant la Renaissance. Ainsi nait le décolleté. C’est à ce moment que, dit Flügel, les femmes commencent à disposer de la double arme de l’exposition du corps et de la décoration du vêtement: « le donne introdussero così il principio della deliberata combinazione di nudità e abbigliamento, giocando sul mutuo rafforzamento dei due fattori in termini di attrattiva, un principio questo che in un certo senso ha da sempre informato il modo di vestire femminile, e che lo ha progressivamente differenziato da quello maschile. »[27].

Le corset commence ainsi sa montée dans la mode qui dure jusqu’au premier décennie du XXème siècle, quand Paul Poiret l’abolit dans son style néoclassique et en même temps il est graduellement substitué par le plus simple soutien-gorge. Mais au sein du mouvement cyclique que la mode suit, il recomparait en forme de robe dans le New Look de Dior, et puis est réintégré dans la mode trente ans après. En 1985 Vivienne Westwood crée le premier corset avec soutien-gorge push-up intégré. Jean-Paul Gaultier caricature les seins en leur donnant une forme à cône irréaliste dans sa célèbre robe-corset en velours de 1984. Corsets, faisceaux et soutien-gorge reviennent toujours dans ses collections. Dans le corset en satin rose qu’il dessine pour Madonna la forme qu’il donne aux seins parait une cuirasse de guerre, mais elle ne peut qu’attraire irrésistiblement l’attention sur ces pointes qui cachent les mamelons et où l’œil ne peut simplement pas refuser de se poser[28]. Le satin rose conventionnellement associé à la douceur de la femme les enveloppe et unit au buste, rendant le tout encore plus ambigu. Un nombre de stylistes ont depuis exploité le charme éternel du corset en en faisant une armure spatiale comme dans les créations de Thierry Mugler, un symbole d’érotisme et de féminité à montrer autant sur le vêtement qu’en dessous comme chez D&G, et puis en différentes formes chez Azzedine Alaïa, Christian Lacroix, Valentino, Lagerfield et beaucoup d’autres. Le corset (et son descendant soutien-gorge), comme les talons, est un des symboles les plus puissants que pour des raisons historico-culturelles et formelles sont associés au genre féminin. En vertu de ce pouvoir qu’il a, il se surcharge de symbolisme, soulignant le mélange entre naturel et artificiel qui imprègne la mode. Le soutien-gorge et les talons sont les attributs je dirais indispensables pour un travestissement accompli, justement parce que dans leur exagération des caractères sexuels ils finissent par se transmuter en symboles. Pour la drag queen il n’est pas important de ne pas avoir des seins naturels. Son soutien-gorge, attribut du genre, les dessine.

Le look second skin, très populaire aujourd’hui dans la rue et en passerelle, encore une fois met en cause la complexité de la relation entre corps, érotisme et vêtement dans sa caractérisation matériel et symbolique. L’emploi systématique de matériels tels que le latex, le pvc et le cuir en forme de costumes couvrant l’entièreté du corps et du visage est l’un des éléments les plus récurrents dans la pornographie fétichiste. Ceci met en relief un autre point essentiel du fétichisme des vêtements, que l’on retrouve amplement dans la mode: l’obsession pour le matériel. Valerie Steele nous explique que le choix du fétiche tombe le plus souvent sur des matériaux, outre que des formes, qui offrent des expériences sensorielles en relation avec des facteurs psychosexuels significatifs en termes de lucidité, d’odeur, de bruit et de sensation sur la peau[29] tels que la soie, la fourrure, la gomme et le cuir. Il est intéressant de remarquer qu’il y a eu un passage historique au sein du fétichisme des matériaux « féminins » aux matériaux « masculins » : les souples soie et fourrure ont dominé dans le XIXème siècle, pour être déclassées par le cuir et la gomme au XXème siècle. La mythologie populaire résonne avec cette translation : à partir du déjà cité personnage d’Emma Peel, on compte un bon nombre de superhéros et d’héroïnes habillés en adhérentes et uniformes costumes lucides comme Trinity en Matrix ou Catwoman entre beaucoup d’autres. D’autre part, l’usage du cuir est en lien avec l’imaginaire du monde des bikers et des sous-cultures homosexuelles. A partir des années ’80 la mode fait un usage si massif du latex et du cuir que, écrit Steele, ces vêtements « hanno oscurato il confine tra moda e feticismo »[30] : la silhouette fétichiste est transposée au large public. Le corps ainsi comprimé dans la gomme se transforme en une surface ultrasensible, car chacune de ses parties est en contact avec ce matériel – une autre forme d’érotisme cutané et musculaire. Une mise en pratique de l’idée fondamentale qu’à la base du fétichisme il y a le sentiment transgressif d’une génitalité diffuse à l’entièreté du corps, transgressif à l’égard de la loi biologique de reproduction, et puis la loi du phallus-père. D’autre part le latex donne une impression contrastante d’accessibilité visible de l’entièreté du corps (uniforme, monochrome, dont les lignes sont ininterrompues, sans défauts) mais d’impénétrabilité et intouchabilité effective (au point que, on le sait, ce n’est pas du tout facile de se désenfiler un tel vêtement). La personne est enroulée dans une marche rigide et tendue, qui impose une certaine révérence. Thierry Mugler est l’un des stylistes qui a majoritairement expérimenté la silhouette second skin et plus en général l’iconographie fétichiste, donnant forme et étoffe à la femme phallique qu’il y a derrière le fétiche. Comme l’écrit Barbara Vinken, « The individual body, with its frailties and imperfections, is eclipsed by the idealizing mimesis of the suit. This mimesis remains nonetheless ‘idealistic’ : it aggressively models the so-called secondary sexual characteristics, imitating the exaggerated femininity of Barbie dolls. The phallic woman, mythically inviolable and perfect, is it guiding image. »[31]. Le second skin finalement emblématise l’essence du vêtement : c’est une deuxième peau différente de l’originel, un masque qui la couvre et l’exhibe à la fois, en se chargeant de la représenter. Mais, hereusement, elle reste amovible. La bodysuit robotique de Mugler qu’on voit en photo ou les costumes motif ‘nudité’, ‘musculature’ ou ‘body art’ réalisées par Gaultier, par exemple, sont des revisitassions plus sophistiquées et parfois ironiques de ce fait.
Le costume de la dominatrix de la pornographie fétichiste – la femme armée d’une sexualité explicite à la limite du terrifiant par ses talons, son corset, ses bottes, ses talons, ses gants ou inaccessible dans son second skin – est celui qui a le plus été transposé à la mode féminine contemporaine. Cette image de la femme phallique est celle d’une femme agressive, puissante, finalement en compétition avec l’homme. Dans la curieuse affiche de son tour mondiale la star du burlesque Dita Von Teese exprime la possibilité d’une domination esthétique : elle nous capture dans sa sensualité serrée en satin rose et, même si brillantiné, elle empoigne un fouet. Elle se définit une glamonatrix, qui domine par son style. Et dans ce néologisme nous retrouvons l’idée que le vêtement héberge la collision entre matière et morale, entre apparence et identité. S’il est vrai que la mode est en lien avec le zeitgeist de toute société, alors, il est légitime de se demander si le charme de la déviance[32] qu’on observe répandu dans la contemporanéité est à interpréter comme une forme d’émancipation ou d’offensive et phallocentrique spectacularisation du pouvoir érotique féminin en fonction du mâle. Qui est l’objet du désir d’une femme qui s’habille ainsi ? Est-ce sa même image narcissique au miroir, les hommes, les autres femmes dans une logique de compétitivité sociale, ou le publique en général, le pouvoir ? La réponse la plus simple serait que l’héritage stylistique du fétichisme, celui-ci naissant principalement d’un détour du désir masculin de la femme, est du point de vue politique quelque chose à démissionner. Il serait beau que les femmes pussent arrêter de jalouser le phallus comme, d’après tout, on leur apprend à faire. Mais nous savons que les choses sont plus compliquées. Nous savons qu’il y a un plaisir du plaisir de l’autre, que le secret du sexe humain réside dans la rencontre de l’autre qui se joue dans l’ambiguïté entre activité et passivité, et qu’il y a un plaisir (actif) dans l’être regardé.e (et désiré.e). La prolifération des codes disponibles et la liberté de choix, comme toujours je dirais, parait alors la meilleure option. Après tout l’ambivalence et la contradiction qui fondent la structure de la mode a été souligné à plusieurs reprises : Simmel par exemple a écrit qu’elle est fondée sur le « charme formel du confin[33] », et Flügel définit le vêtement comme un « symptôme névrotique » de compromis entre tendances opposées. Comme tout art, la mode transforme la fantaisie (et dans ce cas, la fantaisie proprement sexuelle) en réalité.




[1] Valerie Steele, Fetish : moda, sesso e potere (1996), trad. it. par Stefano Pintucci, éd. Meltemi, Roma 2005, p. 20.

[2] « […] un abito kinkyè spesso interpretato come semplice abito ‘sexy’ » - Ibid., p. 68.

[3] Cfr. John Carl Flügel, Psicologia dell’abbigliamento (1930), trad. it. par Gianni Tibaldi, éd. Franco Angeli, Milano 2002, p. 19.

[4] Le vagin est notamment une des formes de l’Unheimlich freudien, « quella sorta di spaventoso che risale a quanto ci è noto da lungo tempo, a ciò che ci è familiare » -  Sigmund Freud, “Il perturbante” (1919), trad. it. a cura di C. L. Musatti in Opere, Bollati Boringhieri, vol. IX, Torino 1977, pp. 79-114, p. 82.

[5] Le terme Schaulust apparait pour la première fois dans une note de travail des Trois essais sur la théorie sexuelle (1905), dans le contexte du discours de la substitution de l’objet sexuel avec le fétiche. Outre qu’en relation au fétichisme, la pulsion scopique est notamment conceptualisé en relation à l’activité d’auto-contemplation des parties sexuelles qui se relève dans la première phase narcissique enfantine. La pulsion scopique sera ensuite reprise et ultérieurement formalisé par Jacques Lacan en tant qu’animant le célèbre stade du miroir

[6] « Il feticcio è il sostituto del fallo della donna a cui il piccino ha creduto e a cui non vuole rinunciare » -  Sigmund Freud, “Feticismo” (1927), trad. it. a cura di C. L. Musatti in Opere,  Bollati Boringhieri, vol. X, pp. 489-497, ici p. 492.

[7] Valerie Steele écrit que les hommes, libres du poids et de l’empêchement que la grossesse et l’allaitement constituent, auraient développé un modèle d’agitation sexuelle à travers la vue au but d’être toujours prêts à l’accouplement avec des femmes qui paraissent prêtes pour la reproduction et de pouvoir ainsi maximaliser leur héritage génétique. L’on pourrait hypnotiser donc que certains vêtements fonctionnent comme des attributs artificiels qui indiquent la désidérabilité et la disponibilité sexuelle de la femme. Selon des études, l’homme vit des fantaisies visuelles et sexuelles avec une fréquence de deux fois et demie plus que les femmes. Cfr. Valerie Steele, Fetish : moda, sesso e potere, œuvre citée, p. 42. 

[8] Barbara Vinken, Fashion zeitgeist – trends and cycles in the fashion system, trad. angl. par Mark Hewson, éd. Berg, Oxford 2005, p. 45. La citation est tirée de Walter Benjamin The arcades project benjamin.

[9] En particulier, deux auteurs italiens ont approfondi les liens étroits entre fétichisme et culture, faisant du mécanisme fétichiste le moteur d’existence du système de la mode: Cfr. Ugo Volli, Fascino. Feticismo e altre idolatrie, ed. Feltrinelli, Milano 1997 et Mario Perniola, Il sex appeal dell’inorganico, éd. Einaudi, Torino 1994.

[10] Selon Bazin le fétiche africain a le statut d’une chose toute puissante dans sa pure matérialité qui est authenticité, unicité, présence, hic et nunc. Le fétiche ne renvoie qu’à lui-même et le principe qui préside à sa production est d’individuation et non pas de représentation. « Si le fétiche a des effets, s’il est vrai qu’il rend fou ou qu’il guérit, c’est justement en tant qu’il se manifeste au fidèle dans son irréductible autonomie de chose toute puissante. Le fétiche est du réel condensé, du réel à haute densité, qu’on s’épuise vraiment à maitriser. C’est ce qui en fait un Dieu. » - Jean Bazin, « Retour aux choses dieux », Le temps de la réflexion, Paris 1986, Gallimard, p. 532. Cfr. aussi, Marc Augé, Le dieu objet, Paris, Flammarion 1998. 

[11] John Carl Flügel, Psicologia dell’abbigliamento, œuvre citée, p. 84.

[12] Ibid., p. 123.

[13] Barbara Vinken, Fashion zeitgeist – trends and cycles in the fashion system, œuvre citée, p. 12.

[14] Ibid.

[15] Ibid., p. 4.

[16] Cfr. Ibid., p. 52. 

[17] Ibid., p. 28.

[18] Cfr. Valerie Steele, Fetish : moda, sesso e potere, œuvre citée, pp. 76-77.

[19] En litérature une reference incountornable va au renversement des valeurs morales opéré par le Marquis de Sade. Cette ouverture à un erotisme « psychologiquement pervers » se retrouve dans les Liaisons dangereuses de Pierre-Ambroise-François Choderlos de Laclos et, entre autres, l’Histoire de l’œil et L’erotisme de Georges Bataille. 

[20] Valerie Steele, Fetish : moda, sesso e potere, œuvre citée, p. 263.

[21] Ibid. p. 146.

[22] « Le scarpe con i tacchi alti […] sono diventate un oggetto di devozione che sfiora l’idolatria’, dichiarava ‘High Heels’ nel 1962. Rivestito da una scarpa con tacchi alti ‘il piede diventa una misteriosa arma che minaccia l’uomo passivo; il quale si vanta di essere stato conquistato.’ La scarpa con tacchi alti è ‘simbolo d’amore’, ma anche ‘simbolo di aggressione’. ‘Significa potenza. Indica dominio’. » - Valerie Steele, Fetish : moda, sesso e potere, œuvre citée, p. 148. 

[23] « Che la moda sia un puro prodotto di necessità sociali o psicologico-formali è provato nel modo più convincente dal fatto che infinite volte non si può trovare la minima giustificazione per le sue forme in rapporto a finalità pratiche o estetiche o di altro tipo. » – Georg Simmel, La moda (1910), trad. it. par Anna Maria Curcio, éd. Mimesis, Milano 2015, p. 21.

[24] Valerie Steele, Fetish : moda, sesso e potere, œuvre citée, p. 235.

[25] John Carl Flügel, Psicologia dell’abbigliamento, œuvre citée, p. 99.

[26] Ethel Granger, dont le mari fétichiste avait plaisir à lui faire porter le corset, rentra dans le Guinness world record pour avoir la vie la plus petit au monde : 33 cm. 

[27] John Carl Flügel, Psicologia dell’abbigliamento, œuvre citée, p. 119.

[28] Barbara Vinken éloge l’avant-garde de Gaultier, qui a été l’un des premiers à concéder au vêtement masculin de la décoration et de la sexualité. Elle écrit qu’il « instructs us again in the joy of flaunting, here isolated in its pure form, through the artificial exhibition of sexedness. […] Gaultier’s fashion is all about distance – not about authenticity or identity. […] the drag queen is the most attractive exemple. She is not what she pretends to be, but she enjoys a specific pleasure in the play of deceptive similarity. » - Barbara Vinken, Fashion zeitgeist – trends and cycles in the fashion system, œuvre citée, pp. 120-121.

[29] Valerie Steele, Fetish : moda, sesso e potere, œuvre citée, p. 44.

[30] Ibid., p. 221.

[31] Barbara Vinken, Fashion zeitgeist – trends and cycles in the fashion system, œuvre citée, p. 90.

[32] Cfr. Valerie Steele, Fetish : moda, sesso e potere, œuvre citée, pp. 274-276.

[33] « Il caratteristico ritmo ‘impaziente’ della vita moderna significa non soltanto il desiderio di un rapido cambiamento dei contenuti qualitativi della vita, ma anche la potenza del fascino formale del confine, dell’inizio e della fine, del venire e dell’andare. Nel senso più compendioso di questa forma la moda con il suo gioco fra la tendenza ad una diffusione generale e la distruzione del proprio senso, che seguirebbe tale diffusione, ha il fascino caratteristico di un confine, di un inizio e di una fine contemporanei, il fascino della novità e contemporaneamente quello della caducità. Il suo problema non è essere o non essere, la moda è contemporaneamente essere e non essere, si trova sempre nello spartiacque fra passato e futuro e ci dà, finché è fiorente, un senso del presente così forte da superare in questo senso ogni altro fenomeno. » - Georg Simmel, La moda, œuvre citée, pp. 33-34.

Bibliographie

Jean Bazin, « Retour aux choses dieux », Le temps de la réflexion, Paris 1986, Gallimard

John Carl Flügel, Psicologia dell’abbigliamento (1930), trad. it. par Gianni Tibaldi, éd. Franco Angeli, Milano 2002

Sigmund Freud, “Il perturbante” (1919), trad. it. a cura di C. L. Musatti in Opere, Bollati Boringhieri, vol. IX, Torino 1977, pp. 79-114

Sigmund Freud, “Feticismo” (1927), trad. it. a cura di C. L. Musatti in Opere,  Bollati Boringhieri, vol. X, pp. 489-497

Georg Simmel, La moda (1910), trad. it. par Anna Maria Curcio, éd. Mimesis, Milano 2015

Valerie Steele, Fetish : moda, sesso e potere (1996), trad. it. par Stefano Pintucci, éd. Meltemi, Roma 2005

Barbara Vinken, Fashion zeitgeist – trends and cycles in the fashion system, trad. angl. par Mark Hewson, éd. Berg, Oxford 2005